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Ma rencontre avec

Lucette

« Il y avait des moments où je ne savais plus si je devais rire ou pleurer, ou si c'était moi qui perdais la raison. »

Lucette Gejzenblozen

Lucette est née en 1924, à Paris, à deux pas du Sacré-Cœur. Ses parents viennent de Pologne et elle a une sœur, Sarah, d’à peine deux ans son aînée.
Pendant la guerre, le père, décorateur de renom, emmène sa famille se réfugier à Lyon où il trouve rapidement du travail. Son frère jumeau vient les rejoindre après l’arrestation de sa femme et de quatre de ses enfants, dont aucun ne reviendra. Il mourra de chagrin.
Lucette vient d’avoir vingt ans quand elle est arrêtée à son tour, avec ses parents. Sarah, qui n’est pas à la maison, échappera à la déportation. Ils sont emmenés à la Gestapo, dirigée par Klaus Barbie, où Lucette voit son père se faire tabasser. Tous trois sont déportés par le tout dernier convoi qui part de Lyon en direction d’Auschwitz. Quelques jours plus tard, ils sont séparés.
À sa libération, Lucette est persuadée que ses parents sont morts. Pourtant, contre toute attente, elle retrouve sa mère, hospitalisée dans un état déplorable, mais vivante. Son père, lui, n’a pas survécu.
Lucette retourne vivre à Montmartre, se marie et devient mère de trois enfants. Sa propre mère assistera aux mariages de ses deux filles, mais ne se remettra jamais vraiment de sa déportation. Quelques années avant sa mort, Lucette est dévastée d’entendre passer sous ses fenêtres un cortège dans lequel on hurle « mort aux Juifs », et surtout de constater qu’autour, personne ne réagit.
Lucette m’a accompagnée lors d’une conférence au Mémorial de la Shoah ou je présentais l’épisode qui lui est consacré. Ce jour-là, très émue elle a répété de nombreuses fois qu’elle remplissait sa mission en témoignant, mais qu’il y a certaines choses qu’elle ne pourrait jamais dire.
Lucette est décédée fin 2018, emportant le pire de son histoire avec elle.



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