Les Derniers - Armand
Ma rencontre avec

Armand

« En Pologne il y avait 3,5 millions de juifs, 3,2 millions ont été tués mais les Polonais n’ont jamais fait leur mea culpa. »

Armand Bulwa

Né en 1929, Armand a grandi dans la ville de Piotrkow, dans un quartier où vivaient 10 000 juifs, le tout premier, en Pologne, à avoir été transformé en ghetto, en octobre 1939. Les Juifs établis en-dehors du quartier ont eu quarante-huit heures pour tout abandonner et venir s’y installer, se retrouvant parfois à cinq par pièce. Armand, alors âgé de 10 ans, y vit avec ses parents et son frère nouveau-né. Trois ans plus tard, en octobre 1942, la majorité des 25 000 Juifs du ghetto sont déportés et assassinés à Treblinka en quelques jours. Armand en réchappe, car il travaille à l’usine, à l’extérieur du ghetto, mais toute sa famille est exterminée. Il est ensuite déporté à Buchenwald, où il fera partie des quelque neuf cents mineurs rescapés du camp. Il raconte devoir en partie sa survie à Élie Buzyn. En guise d’uniforme, Armand a en effet reçu un pantalon trop grand, qu’il doit sans cesse tenir pour ne pas le perdre, risquant la mort à chaque appel et pendant le travail. Le voyant désemparé, Élie lui donne sa ceinture : autant dire un véritable trésor dans les camps, qui lui sauve la vie. Après la guerre, à la suite de longues tractations, la France accepte d’accueillir sur son sol la moitié des neuf cents mineurs survivants, à une condition : que les associations juives assument le coût financier de l’opération. Parmi ces jeunes, seule une vingtaine choisira de rester en France. Armand, qui n’a plus personne, est hébergé par une famille qui cherche un apprenti. Désireux de quitter l’Europe, comme la plupart des rescapés de Buchenwald, il tombe cependant amoureux de la fille de la famille et l’épouse. Il ne veut pas d’enfant, car il juge « criminel » de donner la vie dans un monde capable de la Shoah. Les cauchemars le hantent chaque nuit. Quand ils disparaissent enfin, au bout de quatorze ans, il finit par accepter le désir de sa femme d’avoir un enfant : ils ont une fille. Parmi tous les anciens déportés que j’ai rencontrés, Armand est le seul à ne posséder aucune photo d’aucun des quatre-vingts membres que comptait sa famille.



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